Texte publié sur le blog du Musée de la communication, également disponible en version allemande.
La crème de la crème ? Voici ce que nous avons cherché à savoir en construisant à table nos plats préférés avec des Lego©. Une aventure qui nous a mené dans les serres de tomates, les étables suisses et l’industrie laitière. Le goût et le plaisir de l’échange nous ont réuni au Musée de la communication !
Tous les jours, du mardi au dimanche, les communicatrices et communicateurs du Musée de la communication se retrouvent un peu avant l’ouverture du musée pour brainstormer et créer, par exemple, une activité pour le public. Nous créons une expérience. Il s’en suit un échange d’égal à égal.
Je m’appelle Timothée. Je suis communicateur.
Un samedi matin, nous avons décidé de nous en prendre à la thématique non moins complexe de l’alimentation durable. Depuis l’ouverture de l’exposition temporaire Planetopia, nous discutons et recherchons des approches de solution pour un futur écoresponsable avec le public du musée.
A table ! Six assiettes et six verres sont disposés sur une table au centre du Labor, la zone de la communication directe du Musée de la communication. Les verres en aluminium contiennent 56 pièces différentes de Lego – identiques pour toutes et tous (méthode Lego© Serious Play®). Le public est invité à prendre place.
La mission, à cette grande table à manger : construire, en 3 minutes, avec le set de Lego à disposition, son repas ou plat préféré. Pas d’autres consignes, outre celles-ci : il n’y a ni de juste, ni de faux – donc allez-y ! et on peut voler les idées des autres, mais jamais les Lego. Hihi.
En ce samedi matin, quatre enfants entre cinq et neuf ans prennent place à mes côtés. Les parents sont quelque part dans l’exposition, ils sont seuls et assez autonomes. Ils s’asseyent, leurs yeux sont écarquillés : ils se réjouissent de cette expérience en commun ! 1-2-3, go ! Ils débutent la construction de leur plat/repas préféré en toute grande concentration. Après trois minutes, chaque personne présente son modèle.
A table, nous avons donc :
« Des fajitas avec de la salade et du poulet »
« Des spaghettis à la sauce tomate »
« Une pizza jambon-fromage »
« Des fajitas »
L’eau nous vient à la bouche en écoutant les interventions de chaque personne à table. Les modèles de Lego sont expliqués avec des mots et les mains.
« Quels sont les aspects positifs de vos plats pour la planète ? » demandai-je à mes hôtes :
« La salade [les Lego verts] c’est bien pour la planète. Ça pousse, c’est la nature. ».
« La sauce tomate [les Lego rouges] aussi, c’est des légumes ».
Manger des légumes, c’est bon pour la santé – et pour la planète. Les légumes sont des plantes qui captent le CO2, le dioxyde de carbone, un gaz que les plantes utilisent pour la photosynthèse par exemple. Les plantes sont souvent décrites comme le poumon de notre planète, car elles permettent – en quelques sortes – de filtrer l’air que nous, humains, respirons.
La saison des tomates en Suisse est courte. De ce fait, les tomates en conserve sont devenues un produit très populaire. Notamment pour la pizza, si appréciée de notre visiteuse ! Pourtant, la production de tomates en conserve et de sauce tomate en verre est très néfaste pour le climat. L’énergie nécessaire à la production et à l’élimination des boîtes de conserve et du verre est si importante, que le transport de tomates fraîches du sud de l’Europe en hiver engendre moins d’émissions de CO2. Mais quel est le goût de ces tomates élevées sous serre en plein hiver ? Faire sa propre sauce tomate en été dans ses propres bocaux réutilisables est la meilleure manière de manger des tomates en hiver. Et sinon : manger local et de saison reste la manière la plus écologique et économique de s’alimenter. Et un max de goût !
« Qu’est-ce qu’on pourrait changer dans vos plats, pour que ce soit encore plus positif pour la planète, tout en restant des plats super alléchants ? » demandai-je alors à mes hôtes.
Les enfants répondent du tac au tac :
« La crème [acidulée/fraîche] qu’on utilise pour les fajitas, ça c’est pas naturel ».
« La crème, ça pousse pas dans la nature ».
« Il faut des vaches et transformer le lait pour faire de la crème ».
Lorsque l’on traite des vaches, on obtient du lait.
Si ce lait est vendu à la ferme, il sera souvent chauffé puis vendu ainsi, entier, avec toutes ces graisses (la crème).
Si ce lait est transformé et vendu en supermarché, il sera écrémé. Il va passer dans une centrifugeuse, qui séparera le lait de la crème. Selon les procédés et les produits finaux désirés, cette matière grasse est re-mélangée, pasteurisée, homogénéisée, pour faire de la crème entière, de la demi-crème, des joghurts ou du beurre par exemple.
Le lait nommé « entier » que nous achetons dans un supermarché n’est pas « entier ». Il a été écrémé. Le « lait entier » est un produit qui a été défini avec un pourcentage de graisse, selon des buts économiques et politiques. Jusqu’en 2008, le lait entier suisse contenait 3,8% de matières grasses. Pour s’accorder avec le marché européen et rester compétitif, le lait entier suisse contient depuis 3,5% de matières grasses.
Le lait entier, comme il sort du pis de la vache, contient environ 4,1% de matières grasses. La différence de graisses entre le lait vendu « entier » et le lait d’origine permet, par exemple, de commercialiser des produits supplémentaires.
Le 26 décembre 2022, le lait des vaches d’Andreas de Hof Frei, à Illiswil près de Berne, contenait 4,2%. Il n’est pas écrémé. Il est vendu en direct, au Café Pavillon du musée par exemple. Le lait est un produit de la nature. En été, l’herbe contient plus d’eau que le foin ou le fourrage consommés en hiver par les vaches : ainsi, en été, le lait est moins gras qu’en hiver.
Le fromage aussi, ça vient des vaches » mentionne la jeune visiteuse du musée devant ses Lego en forme de pizza.
Le fromage est un produit de conservation, qui permet(tait) de conserver le lait, simplement sous une autre forme. La majorité du lait produit en Suisse est destinée à la production de fromage. Pour faire 1 KG de fromage, il faut environ 10 L de lait. Une vache laitière produit entre 20-25 L de lait par jour. Ces ruminants ont besoin de fourrages et de surfaces agricoles. Du méthane, un gaz 25 fois plus puissant que le CO2, est produit lorsque les ruminants digèrent leur nourriture et lorsque le fumier et le lisier sont utilisés comme engrais dans les champs. Réduire sa consommation de produits laitiers fait sens. Même si cela ne correspond pas à la politique et stratégie de notre État fédéral.
Sentant l’énergie s’abaisser et le dialogue venant à sa fin, je demande encore si mes hôtes ont une dernière idée ou un dernier commentaire quant à une optimisation potentielle de leurs plats préférés. La plus jeune nous dit en toute franchise, elle qui aime les spaghettis à la sauce tomate – plat traditionnel italien (et végétalien avant l’heure):
« On pourrait rajouter encore de la viande, ce serait bon ! ».
Tout le monde à table est d’accord ! J’ai le sourire jusqu’aux oreilles. Il y a bien une composante indispensable à inclure dans les processus de réflexion concernant notre alimentation : le goût. Nous mangeons, pas seulement pour vivre, mais aussi, car nous aimons manger des choses bonnes, qui nous plaisent. Et là est toute la difficulté : combiner goût et responsabilité pour notre planète. Quel système veux-je promouvoir ? Ai-je les moyens de le promouvoir ? Comment veux-je faire changer les choses ? Des questions pas si simples, sur lesquelles sont aimons échanger avec vous, chères visiteuses et chers visiteurs, dans notre exposition temporaire Planetopia. Ensemble, nous pouvons trouver des réponses et adapter nos habitudes de consommation.