Débuté par une boutade, j’ai mangé végétalien pendant tout le mois de novembre. J’ai tenu jusqu’au 29 novembre, jour où j’ai craqué spontanément pour un croissant au beurre croustillant.
D’où vient cette idée (saugrenue)? Je la recommande chaudement à celles et ceux qui cuisinent et on envie d’un vrai challenge culinaire pendant 30 jours. Au Musée de la communication, nous travaillons pour la prochaine exposition temporaire 2021-2022. Celle-ci a pour thème l’écologie. Dans tous les sens du terme, mais surtout, l’écologie et la communication. Comment communique-t-on l’écologie? Pourquoi parle-t-on d’écologie? Pourquoi certain·e·s n’en parlent pas? Que se fait-il actuellement pour qu’on en parle? Comment cette communication prend-elle place? Bref. L’équipe à la base de cette grande aventure s’est lancée le challenge de faire un mois végétarien. Un membre de l’équipe a décidé de ne pas prendre de bains pendant 30 jours. J’ai décidé de faire un mois végétalien, pour pousser encore un peu plus loin la difficulté du challenge. Je mange de la viande et du fromage, je consomme régulièrement une alimentation végétarienne, il fallait aller plus loin, pour pousser certaines limites que je n’ai auparavant jamais franchies. Que s’est-il passé?
Pendant ce mois, j’ai découvert de nombreux nouveaux produits, certains bons, d’autres moins: j’ai essayé les fausses viandes (certaines pour le moins convaincantes!), les faux fromages (ou fromages végétaux), le faux beurre (ou tout simplement la margarine), les pâtisseries sans œufs ni lait de vache, les petits plats sans viande ni poisson, sans crème, sans graisse animale
On dirait une vie remplie de « sans » et de « faux », le végétalisme (≠ véganisme ai-je appris, qui ne consiste pas seulement à se nourrir sans produits animaliers, mais également à vivre sans produits issus d’animaux, donc pas de cuire par exemple). Ce n’est pas tout à fait vrai.
J’ai découvert plusieurs variétés de vrai Tofu suisse bio qui a du goût (pas de carton!) et qui s’apprête à merveille pour les plats asiatiques. J’ai découvert le seitan, ce produit hyper protéiné à base de farine de blé, facile à faire à la maison, dont la texture est très agréable en bouche. J’ai appris à faire une salade de pomme-de-terre sans mayonnaise (rien de nouveau pour les Italiens), plus légère que la salade traditionnelle apprêtée un peu partout. J’ai découvert de bonnes margarines, permettant de faire des rösti ou des tranches de pain-confiture plus écologiques qu’avec du beurre de vache. J’ai découvert des techniques de l’industrie qui isolent les protéines de légumineuses pour former à peu près n’importe quoi ou les astuces pour faire du fromage végétal (la question reste: a-t-on le droit de nommer « fromage » ce qui n’est pas issu d’un produit animalier?): le fromage aux noix de cajou ou le parmesan à base d’amandes et noix de cajou (super pour la santé!) en poudre avec des épices et de la levure de bière pour apporter cet umami que l’on recherche tant … Un produit cher, mais créatif! Mais surtout, pendant ce mois végétalien, j’ai pris conscience des mille plats simples que l’on mange régulièrement et qui sont toujours végétaliens (indien, thaï, libanais, italien, …).
J’ai passé plus de temps dans les magasins et épiceries qu’habituellement, j’ai acheté plus de produits transformés, j’ai mangé de l’huile de palme, j’ai découvert les étiquettes de produits connus qui regorgent de composants de provenance animale dont on ne comprend pas vraiment leur sens dans la composition – ici pour la poudre de lait écrémé (dégraissé) que l’on trouve partout, même dans les produits salés (darvida, chips, gâteaux et biscuits bien sûr). Le fromage, comme la viande, étonnamment, ne me manquent pas, quand bien même je n’ai gouté de nombreuses alternatives. Ce qui me dérange régulièrement est le manque de spontanéité dans ma consommation: je ne peux plus manger de « tout ». Je ne peux plus aller en vacances sans devoir chercher en avance des endroits pour acheter des produits végétaux. Je cuisine plus (alors que je cuisine apparemment généralement beaucoup en comparaison avec mes connaissances). Je ne peux plus me permettre une pâtisserie spontanée dans une boulangerie du coin. Je dois dire que je suis végétalien lorsque je suis invité (ce n’était heureusement – enfin peut-être malheureusement – pas beaucoup le cas pendant ce mois de semi-confinement pour cause covid19). Je dois dire ce que je ne mange pas. Je dois argumenter pourquoi je ne mange pas de fromage. Je me sens un peu lâche de faire endurer à un hôte (ami·e ou restaurant) une tâche qui semble insurmontable: cuisiner végétalien. « Je peux te faire des légumes », m’a-t-on dit plus fois. Mais les pasta arrabbiata, c’est vegan! Alors rien de compliqué. Mais si, quand même.
Cette restriction m’a ouvert les yeux sur la quantité de produits animaliers que nous mangeons sans même nous en rendre compte. C’est effarent. Être végétarien est plus écologique pour notre planète qu’être carnivore, mais être végétarien ne suffit pas à réduire le nombre de bêtes « travaillant » pour nous jusqu’au jour où l’on décidera pour elles qu’elles doivent nous quitter. Le lait est partout. En poudre notamment. Derrière ce lait se cache un système énorme, où la vache est inséminée (artificiellement) pour mettre bas à un veau régulièrement, et donc produire du lait tous les jours. Pour nous. L’alimentation qui provient d’industries, et je dirais même de nombreux artisans, est bourrée d’ajouts dont nous ne sommes pas conscients. Ceci dans les produits vegan ou non.
Faire un mois végétalien m’a ouvert les yeux sur l’industrie alimentaire. Ce mois m’a permis de comprendre mieux les problèmes dont nous faisons face. Combien de fois m’a-t-on dit « mais la viande du coin, c’est quand même plus écologique que les tomates d’Espagne. ». Non, elle ne l’est pas. Mais cela ne veut pas dire que manger des tomates espagnoles en hiver est bon pour la planète. Ce mois m’a ouvert les yeux sur toutes les possibilités culinaires simples et végétales existantes.
Depuis, je cherche et je lis des études de comparaison d’habitudes alimentaires. Je cherche un chemin simple et concret pour montrer que le viande « du coin » est moins écologique que les tomates espagnoles, ou que le burger de protéines de pois (d’Amérique du Sud), hyper-transformé (une pure création de l’industrie, on pourrait dire du génie!), est meilleur pour la planète que le steak de boeuf bio du paysan d’à-côté (et même ça d’ailleurs c’est rare).
Le conseil d’un ami est identique à une habitude alimentaire que j’ai mise en place depuis quelques temps et que j’aimerais partager: cuire un jour de la semaine plusieurs céréales ou légumineuses (par ce biai en découvrir de nouvelles régulièrement!) et ainsi, manger des aliments sains, rapidement, pendant la semaine, lorsque le planning est trop serré. Et le granola ou muesli le matin (okay, je suis devenu Bernois): faire tremper les céréales ou flocons dans du jus de fruits ou du thé, ajouter un peu d’huile (d’amande, de noisette, de noix) et c’est tout aussi bon qu’un joghurt nature (différent bien sûr!).
PS: les gnocchis se font facilement sans œufs lorsqu’on prête attention à la préparation. Les pâtes italiennes sèches ne contiennent pas d’œufs. Toutes les sauces ne contiennent pas de la crème. La Suisse reste un pays de production laitière – soit, mais cela peut se développer. Pourquoi a-t-on tant de pains (spécialités cantonales) avec du lait? Car nous avions pendant la seconde moitié du XXème siècle trop de lait! L’association suisse des boulangers a donc créé des pains avec du lait. Il existe d’autres alternatives, sans mettre fin aux explorations agricoles de montagne, chez lesquelles les vaches jouent un rôle important. Notamment.